Introduction 🔗
Dans ce billet, je souhaite commenter l’une des quinze propositions d’actions issues des Assises des mathématiques dont on lira les Actes avec profit. L’action principale, sans laquelle les autres ne peuvent pas être mises en œuvre est relative à l’emploi des enseignants-chercheurs. Pour lire la suite, cliquer sur le titre.
Réinvestir dans le potentiel enseignants-chercheurs en mathématiques en retrouvant a minima le niveau de l’an 2000, via la création d’au moins 300 postes d’enseignants-chercheurs sur dix ans.
Le Haut conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (HCÉRES)1 avait formulé dans sa Synthèse nationale et de prospective sur les mathématiques une recommandation portant le même objectif d’une façon que je qualifierais de moins explicite2.
Adapter le nombre de postes d’enseignantes-chercheuses et d’enseignants-chercheurs aux missions croissantes d’enseignement, de recherche fondamentale et en interaction, ainsi qu’aux nouvelles pratiques liées à la recherche sur projet, afin de maintenir la qualité et la quantité de publications au niveau de la compétition internationale et éviter un déclassement déjà perceptible.
Évolution de l’emploi en mathématiques dans les universités 🔗
Une source pour étudier l’évolution de l’emploi permanent enseignement-recherche en mathématiques dans les universités françaises est constituée des fiches démographiques des sections du CNU publiées annuellement par le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche (plus précisément de son département des études et analyses prévisionnelles des ressources humaines). Ces fiches permettent un suivi annuel des effectifs3 par discipline (au sens des disciplines du Conseil national des universités4).
Les fiches Année 2020 indiquent qu’il y avait en 2000 un total de 3 294 enseignants-chercheurs en mathématiques. Les fiches Année 2022 indiquent qu’il y avait en 2022 un total de 3 026 enseignants-chercheurs en mathématiques. La baisse est de 263 enseignants-chercheurs5.
Pendant la même période, le nombre d’enseignants-chercheurs toutes disciplines confondues est passé de 44 895 en 2000 à 47 721 en 2022. L’évolution des effectifs hors mathématiques est donc de +7,4%. Si l’on appliquait cette augmentation au mathématiques, il y aurait 3 539 enseignants-chercheurs en mathématiques : le déficit est de 513.
Mais, pourquoi l’effectif en mathématiques suivrait-il l’effectif global ? Après tout, beaucoup d’étudiants ne font pas de mathématiques. Certes. Il est risqué de ne se baser que sur des effectifs étudiants puisqu’un enseignant-chercheur est… un enseignant et un chercheur. Peut-être aussi que certains étudiants qui font peu de mathématiques devraient en faire plus6. Mais, acceptons que ça n’est pas le sujet de ce billet, notons que le nombre des étudiants a crû de 28% de 2008 à 2018, qu’il n’y a pas de raison que le besoin de formation mathématique diminue parallèlement et, comparons à l’évolution en sciences : au moins peut-on s’accorder sur le besoin d’une formation mathématique relativement poussée des étudiants en sciences7. Les fiches précédemment citées montrent que les effectifs d’enseignants-chercheurs en sciences ont crû de 2000 à 2022 de 5,4%. Si l’on appliquait cette augmentation au mathématiques, il y aurait 3 471 enseignants-chercheurs en mathématiques : le déficit est de 445.
Augmenter les effectifs en mathématiques de 300 enseignants-chercheurs est un compromis, assez minimaliste, entre un maintien des effectifs depuis 2000 et l’augmentation qui aurait dû avoir lieu en suivant l’évolution globale ou réduite aux sciences.
Une autre source est le site de données du Ministère de l’enseignement et de la recherche dataESR et plus précisément le jeu de données intitulé fr-esr-enseignants-titulaires-esr-public
. Les données sont celle qui servent à établir les fiches démographiques des sections CNU8 mais permettent d’avoir une analyse établissement par établissement, par genre, par classe d’âge, etc. Le tableau partagé joint à ce billet permet de faire une analyse par académie9.
Seules cinq académies ont vu leur effectif augmenter depuis 2011. À l’exception de Mayotte qui a augmenté ses effectifs de trois postes et de la Guyane qui les a augmenté de quatre postes, les augmentations sont faibles (Paris a deux postes de plus, soit une augmentation de 0,46%, Besançon a un poste de plus, soit une augmentation de 2%). La Guadeloupe a augmenté ses effectifs d’un poste soit 20%.
En revanche, les diminutions sont importantes avec dix académies ayant perdu au moins 10% de leurs effectifs. Toulouse a perdu vingt-neuf postes, Lille en a perdu vingt-deux et Grenoble dix-huit. Caen et la Guadeloupe ont perdu 18% de leur effectif, Strasbourg a perdu 17%.
Sur les quatre-vingt sections du Conseil national des universités, seules deux ont une diminution plus forte de 2011 à 2021 que la section 25 : mathématiques. Ce sont les sections 87 : Sciences biologiques, fondamentales et cliniques et 9 : Langue et littérature française. Parmi la grande discipline Sciences10, la section 25 est celle qui a la plus grande diminution avec 174 postes ; une seule autre discipline perd plus de 75 postes, la section 32 : Chimie organique, minérale, industrielle avec 125 postes ; trois disciplines perdent entre 75 et 50 postes : Milieux denses et matériaux ; Génie électrique, électronique, photonique et systèmes et Physiologie.
Bien sûr, cette évolution a des conséquences sur la possibilité pour des jeunes chercheurs d’avoir un poste dans lequel s’épanouir. De 2009 à 2014, il y avait en moyenne 115 postes de maîtres de conférences11 pourvus12 par année en mathématiques13 ; de 2018 à 2022, cette moyenne est tombée à 65.
Les fiches démographiques indiquent un âge moyen des maîtres de conférences relevant de la section n°25 (mathématiques) du Conseil national des universités de 43 ans en 2013 et 48 ans en 2022 (en section n°26, l’évolution est similaire, l’âge médian des maîtres de conférences passant de 41 ans à 45 ans). Cette croissance de l’âge médian s’explique aussi par un recrutement plus tardif (conséquence de la raréfaction des postes) et une plus grande difficulté à être promu professeur (de 2009 à 2014, il y avait en moyenne 60,4 concours de professeurs ouverts cette moyenne est passée en 2018-22 à 32,8).
Qualité de la recherche mathématique française 🔗
On a l’habitude de dire en France que la qualité de la recherche en mathématiques est excellente. Pas facile de mesurer la qualité d’une recherche de long terme. Vouloir raisonner en termes d’utilité immédiate pour la société (combien de fois ai-je entendu « quels verrous technologiques ces recherches vont-elles faire sauter ? »14) ne mesure pas l’efficacité d’une discipline dont l’utilité est souvent transférée à d’autres sciences ou technologies15.
Les mathématiques françaises sont-elles reconnues dans le monde ? Si l’on s’en tient au prix internationaux, les résultats sont historiquement très bons. La médaille Fields (qui n’est pas l’équivalent de l’inexistant prix Nobel de mathématiques puisqu’elle récompense les travaux d’un mathématicien âgé de moins de 40 ans) est un prix majeur. Définir la nationalité d’une médaille Fields n’est pas aisé16. Elle est cependant une reconnaissance par des pairs du travail d’une personne formée dans un environnement17. On lit par exemple dans le journal Le Monde18 à l’occasion de la remise des médailles Fields en 2018 : « À noter que la France, seconde nation en nombre de médailles Fields, est absente du palmarès » (avant qu’un « mais que » n’explique le rôle de l’école mathématique française dans la formation de Figalli). Quelque soit la définition de la nationalité d’une médaille Fields, on s’accorde généralement à considérer que la France est au deuxième rang derrière les États-Unis.
L’attractivité est aussi un marqueur de qualité. Parmi les lauréats d’une médaille Fields considérés comme français, plusieurs, notamment parmi les plus récents, n’exercent pas ou, n’exercent plus en France. Pour mesurer l’attractivité, on peut aussi s’intéresser aux lauréats d’une bourse du Conseil européen de la recherche comme cela a été fait dans les Travaux préliminaires des Assises (voir p. 110) qui montrent que « Royaume-Uni et Suisse paraissent plus attractifs que la France ». Si le CNRS arrive encore a recruter des mathématiciens formés à l’étranger, beaucoup d’entre eux semblent ne pas rester très lontemps en France (au risque même que les postes de chargés de recherche finissent par être vus comme des post-docs longs).
Le Haut conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur a publié en 2022 une synthèse nationale thématique sur les mathématiques : la « Synthèse nationale et de prospective sur les mathématiques ». Cette synthèse alerte sur l’évolution de la recherche mathématiques, allant jusqu’à intituler l’une des parties de sa conclusion « Le choix entre ambitions et déclassement ». En étudiant un corpus de 979 135 publications parues dans 1 083 journaux de 2013 à 2020, les documents publiés montrent que la France est une grande nation publiante qui occupe la 5è place mondiale en nombre de publications derrière la Chine, les États-Unis, l’Inde et l’Allemagne. Mais le rapport pointe aussi la perte d’une place, et une moyenne des taux de croissance annuels du nombre de publications : essentiellement constant (baisse de 0,8 %) contre une hausse 3,8 % pour le monde et concluent en comparant les évolutions des budgets R&D : « la comparaison de ce classement avec les dépenses intérieures brutes en R&D (recherche & développement publiques et privés) de ces mêmes pays, et leur évolution depuis 20 ans est édifiante ».
Le Haut conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur insiste aussi sur l’évolution des missions des enseignants-chercheurs.
Enseignement-recherche : un double métier 🔗
Le temps de travail légal des enseignants-chercheurs est 1607 heures par an. Le décret 84-431 (art. 7) du 6 juin 1984 modifié en 2019 indique que ce temps de travail est reparti en moitié pour la recherche, moitié pour l’enseignement ; donc 803,5 heures pour l’enseignement. Le temps d’heures disepnsées par un enseignant-chercheur est théoriquement de 192 heures19 par an donc chacune de ces heures devrait ne pas être accompagnée de plus de 3,18 heures de préparation des cours, réception des étudiants, administration de l’enseignement, corrections de copies, surveillance d’examens, report des notes dans des logiciels assez peu intuitifs… C’est en pratique certainement plus : le Haut conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur parle de « report sur les enseignants de nombre de missions très chronophages de pilotage et de suivi administratif de l’enseignement ».
Les stratégies développées dans les universités pour tenter d’équilibrer les temps d’enseignement et recherche sont diverses mais toujours au détriment soit des étudiants, soit de la recherche (et donc jamais satisfaisantes) : augmentation du temps effectif d’enseignement de chaque enseignant-chercheur par divers artifices, diminution de l’offre faite aux étudiants, réduction du nombre d’heures de mathématiques suivies par chaque étudiant…20 Constatons que diminuer le nombre d’heures enseignées en licence n’a pas amélioré la situation (et en aucun cas celle des étudiants…)
De la même façon, le temps de recherche est largement entamé par un ensemble de tâches qui ne sont pas immédiatement de la production de recherche : rédaction de projets avec un taux de réussite parfois bas, évaluation de projets, préparation de déplacements dont le temps croît à mesure que les outils prétendent simplifier le travail, administration de la recherche… Ce temps décroissant, morcelé n’est propice ni à la sérénité intellectuelle, ni à la possibilité de prise de risque, ni à l’ouverture interdisciplinaire d’une recherche de qualité.
Une conséquence de l’autonomie des universités ? 🔗
Les universités jouissent de l’autonomie pédagogique et scientifique, administrative et financière21 depuis la loi relative aux libertés et responsabilités des universités du 10 août 2007. Notons au passage que cette autonomie n’est pas constitutionnelle et que l’action politique consiste à créer les outils nécessaires à la mise en œuvre d’une politique et non à justifier l’inaction par l’inadaptation des outils. On peut me rétorquer (à raison) que la politique depuis un canapé est plus facile que la politique au quotidien, que l’autonomie est une évolution continue depuis 2007 et qu’on ne va pas la remettre en cause. C’est fair comme diraient mes enfants et il faut voir comment élaborer une stratégie de recrutement en mathématiques au sein des universités dans ce cadre.
Puisque les universités sont gérées de « façon démocratique avec le concours de l’ensemble des personnels, des étudiants et de personnalités extérieures », il conviendrait que les mathématiciens s’attellent à convaincre les instances de leurs universités de recruter plus en mathématiques. Ils tentent de le faire et, l’évolution des effectifs montrent que l’engagement n’apporte pas les résultats attendus. Un pays peut-il se contenter de ce constat au détriment d’une ambition scientifique ?
L’état dote les établissements et signe avec eux des contrats d’établissement et contrats d’objectif, de moyens et de performance (les « Comp », pour ne pas oublier qu’il s’agit in fine de compter ?). Selon le ministère22, « ces contrats [d’objectif, de moyens et de performance] (…) introduisent un suivi de la performance des établissements sur la poursuite d’objectifs stratégiques partagés par le ministère et l’établissement ». Selon Anne-Sophie Barthez, ils sont « l’outil de régulation des établissements avec des droits et des obligations ». Il y a donc la place pour des dotations dédiées à une stratégie nationale des mathématiques, et notamment une stratégie d’emploi, d’autant plus que deux des cinq « objectifs prioritaires de politiques publiques concernent : la mobilisation de l’enseignement supérieur et de la recherche en faveur de formations préparant les étudiants à exercer des métiers d’avenir, en tension ou en évolution ; (…) le développement de la recherche et de l’innovation au meilleur niveau européen et international ».
J’ai connaissance de deux exemples récents de soutien ministérielle à l’ouverture de postes permanents. Le premier23 concerne les enseignants-chercheurs en Sciences et techniques des activités physiques et sportives (Staps) : en février 2022, le ministère est parvenu à créer 80 postes supplémentaires, pour un recrutement au printemps 2022 en vue d’une nomination pour la rentrée universitaire 2022-2023.
Le deuxième exemple se voulait plus ambitieux et, lui aussi, postérieur à la loi relative aux libertés et responsabilités des universités. Mme Fioraso, alors ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche avait annoncé 1000 postes par an24. L’attribution résultait d’une stratégie (la réussite en licence). Souvenons nous cependant de l’échec de cette annonce, à une période où les universités luttaient contre le déficit : les postes ne furent pas tous pourvus faute de moyens nouveaux réellement donnés aux universités25. En pratique, il semble que 1 234 postes (pas uniquement d’enseignants-chercheurs) furent effectivement crées26 sur 5 ans.
Pour conclure cette partie, je partage un souhait dont je ne sais pas en revanche si la mise en œuvre est possible (ou plutôt, je ne sais pas si l’état veut se donner les moyens de le mettre en œuvre) et qui, n’est pas franchement en phase avec la philosophie d’autonomie des universités :
- Les universités émettent des besoins ;
- L’état stratège répond aux besoins dont il partage la nécessité et établit ainsi un besoin global ;
- L’état ouvre une dotation nationale en emplois d’enseignants-chercheurs ;
- Un concours national est ouvert, les candidats sont sélectionnés par exemple par les deux sections de mathématiques du Conseil national des universités27. Ce peut être une bonne façon d’attaquer le problème de parité en mathématiques28. Il faut alors imaginer comment répartir les lauréats mais ça n’est pas un problème inédit !
Conclusion 🔗
Les données rapportées dans ce billet ne sont pas issues de phénomènes naturels immuables. Elles résultent de choix politiques. La demande de postes supplémentaires (c’est-à-dire en plus de ce qu’il faut pour ne pas créer de nouveau déficit) est de 300 postes sur 10 ans, soit 30 par an pendant 10 ans.
On demande régulièrement à la communauté mathématique d’évoluer (c’est même devenu une sorte de poncif qu’il conviendrait d’interroger à l’aune des évolutions récentes nombreuses me semble-t-il). Rappelons ce qui pourra paraître une évidence : les mathématiciens ne pourront pas faire plus d’enseignement29, de diffusion des sciences, de collaborations avec les entreprises, de recherche en étant moins nombreux et avec moins d’appui administratif. C’est ce que rappelle le Haut conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur dans la septième proposition de son travail de synthèse :
Adapter le nombre de postes d’enseignantes-chercheuses et d’enseignants-chercheurs aux missions croissantes d’enseignement, de recherche fondamentale et en interaction, ainsi qu’aux nouvelles pratiques liées à la recherche sur projet, afin de maintenir la qualité et la quantité de publications au niveau de la compétition internationale et éviter un déclassement déjà perceptible.
Les commentaires argumentés permettent de faire avancer la réflexion, n’hésitez donc pas à me faire part des vôtres par mail. Je ne promets pas de répondre (ni même d’accuser réception) mais, je promets de les lire et de les analyser
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Le Haut conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur est une autorité publique indépendante chargée d’évaluer l’ensemble des structures de l’enseignement supérieur et de la recherche, ou de valider les procédures d’évaluations conduites par d’autres instances. ↩︎
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Le potentiel enseignement-recherche en mathématique en France a diminué. Il me semble que cette diminution ferait déjà courir un risque à la puissance mathématique nationale du pays même si ne s’y ajoutait pas une augmentation d’activités qui ne relèvent ni de la transmission des mathématiques, ni du développement de celles-ci (qui in fine diminue le temps consacré à la préparation pédagogique et à la recherche d’enseignants-chercheurs par ailleurs moins nombreux). ↩︎
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Personnels titulaires ou stagiaires en activité ou surnombre et détachés entrants. ↩︎
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Le Conseil national des universités est une instance nationale se prononçant sur les mesures individuelles relatives à la carrière des professeurs des universités et des maîtres de conférences. Il est organisé en sections disciplinaires. Pour les mathématiques, il y a ainsi deux sections : la section 25 Mathématiques et la section 26 Mathématiques appliquées et applications des mathématiques (ces intitulés n’ont pas la rigueur qu’on aimerait qu’ils aient…). Chaque section est composée au deux-tiers d’élus, le dernier tiers étant nommé par arrêté ministériel. ↩︎
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L’effectif d’enseignants-chercheurs en 2021 est le même qu’en 1996 et on peut faire remonter à 2005 le début de la diminution. Le nombre d’étudiants entre 1996 et 2021 a cru de plus d’un tiers, notamment du fait de taux de réussite au bac en hausse et d’allongement des études. ↩︎
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J’ai participé à la formation d’étudiants se préparant à devenir professeurs des écoles, et bien, le volume d’enseignement mathématique était largement trop bas par exemple. ↩︎
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Il est tentant de comparer le nombre d’enseignants-chercheurs en mathématiques au nombre d’étudiants. Mais il faut être vigilant sur le périmètre des étudiants considérés. En réalité faudrait-il comparer au besoin d’heures enseignées en mathématiques et encore faut-il être vigilant aux diverses stratégies déjà utilisées pour diminuer de façon artificielle ce nombre d’heures. Un collègue m’a rapporté l’anecdote suivante. Dans son université, les discussions avec les instances dirigeantes se faisaient sur la base du nombre d’étudiants des formations mathématiques (les besoins en recherche n’était jamais évoqués). Cela représentait en réalité un faible nombre du nombre d’étudiants de l’université recevant une formation en mathématiques. Cette logique est à l’encontre d’un fonctionnement inter-disciplinaire de l’université. Les mathématiciens ne doivent-ils enseigner qu’aux futurs professionnels en mathématiques (et devraient-ils alors faire tous les enseignements de ces futurs étudiants, y compris par exemple les langues ?). Les mathématiques doivent-elles être enseignées aux étudiants en schtroumpfologie par des enseignants-chercheurs de schtroumpfologie ? Je ne nie pas qu’ils ne sauraient pas le faire, mais en quoi est-ce mieux et en quoi n’est-ce pas une négation de la pluridisciplinarité des universités ? ↩︎
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Avec quelques différences tenant par exemple à la date du dénombrement. ↩︎
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Les données, par exemple reproduite dans le tableau construit à partir de DataESR montre une importante évolution de la structuration de la communauté, entre enseignants-chercheurs des sections 25 et 26. Nous ne commentons pas ici cette évolution qui demanderait une étude site par site. Elle peut en effet résulter suivant les cas d’une stratégie scientifique locale, de négociations avec les instances universitaires, de besoin accru de mathématiques comme outils, etc. Cette évolution est cependant globalement problématique. Une analyse trop rapide peut aussi masquer une évolution plus ou moins souhaitable au sein des effectifs relevant de la section 26. ↩︎
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Les disciplines du Conseil national des universités sont regroupés en six “grandes disciplines” : droit, économie et gestion ; lettres et sciences humaines ; sciences ; pharmacie ; médecine ; odontologie. ↩︎
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C’est en général à ce grade que les enseignants-chercheurs sont recrutés sur un poste permanent à l’université. Le grade suivant, qui s’obtient par concours, est celui de professeur (des universités). ↩︎
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La distinction entre postes publiés et pourvus a baissé en très forte proportion, résultat probablement de la raréfaction des postes mais aussi de l’évolution de la procédure de recrutement. ↩︎
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D’après les fiches démographiques du CNU publiées en octobre 2014. ↩︎
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Il arrive que l’adjectif « technologique » soit remplacé par « scientifique » mais le nom « verrou » montre le véritable sens de la question qui, à mon avis, nuit à une vision humble et honnête des avancées scientifiques. Il faudra y revenir… ↩︎
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Dans un dialogue d’ailleurs très fécond. La nécessité de résoudre des questions concrètes ou immédiatement utiles peut engager un dialogue interdisciplinaire qui incite le mathématicien à placer sa recherche de réponses dans un cadre abstrait. L’origine de la question devient alors secondaire (sinon oubliée), sa réponse nécessite plus de temps à être élaborée mais, celle-ci obtenue permet de répondre à plus de questions concrètes, parce qu’elles deviennent une même question. Il s’agit ici de comprendre qu’il faut permettre à la recherche d’avancer sans but prédéfini, sans attente de « livrables » remis suivant un calendrier prévu à l’avance. On résume parfois cette notion en parlant de serendipité (ce que ça n’est pas tout à fait, le hasard pouvant être absent du processus). Toute définition d’une politique de recherche devrait être pensée de façon à (au minimum) ne pas empêcher ce développement (qui présente certes un défaut : les effets le sont pas mesurables sur la durée d’un mandat politique ou administratif). ↩︎
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Cédric Villani (Fields 2010) est né en France, y a fait ses études, y a mené ses recherches et y a été député : dire de lui qu’il est un mathématicien français n’est pas vraiment contestable. Son élève Alessio Figalli (Fields 2018) a soutenu sa thèse en France après avoir fait ses études en Italie ou il est né. Il a débuté sa carrière en France (au CNRS qui l’a recruté comme chargé de recherche avant la soutenance de sa thèse, parce que le CNRS permet cela, puis à l’École polytechnique) où il n’est pas resté bien longtemps : est-il un mathématicien français ? On pourra se poser la question de la nationalité scientifique de beaucoup de lauréats de la médaille Fields en consultant la liste. Mais il s’agit aussi de ne pas trop prêter le flanc à une vision nationaliste des mathématiques, cela n’aurait aucun sens tant l’isolement de communautés mathématiques nationales a pu nuire au développement de la discipline. ↩︎
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Pierre-Michel Menger répond à la question « Qu’est-ce qui explique le succès français dans l’élite des mathématiques, notamment les médailles Fields ? » : « Cela ressemble à une mécanique bien huilée tant les parcours des lauréats sont similaires ». David Larousserie, «« La mécanique bien huilée » qui mène les mathématiciens français à la médaille Fields », Le Monde version en ligne, 5 juillet 2022. ↩︎
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David Larousserie, « Quatre médailles Fields marquent l’internationalisation des maths », Le Monde cahier Planète & Science, vendredi 3 août 2018. ↩︎
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Sur ce sujet, on peut se reporter aux « Travaux préparatoires des Assises », p. 64. ↩︎
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Les « Travaux préparatoires des Assises » cite le cas d’une université française de taille moyenne dans laquelle a été constatée une hausse du service d’enseignement des mathématiciens, passant de 210 heures pendant l’année universitaire 2010-2011 à 239 heures équivalent pendant l’année 2020-2021 (au lieu de 192 heures statutaires). D’autres départements de mathématiques ont fait le choix de diminuer l’offre de formation ou d’avoir recours à des vacataires dont le recrutement peut être compliqué, le statut est bien précaire et quin n’ont pas d’activité de recherche rémunérée. ↩︎
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« Comp : la liste des établissements des vagues 2 et 3 ; « 100 M€ » sur trois ans pour la vague », Newstank, actualité n°298401, 30 août 2023. ↩︎
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Camille Morlet. « Staps : le MESRI accorde une enveloppe pérenne de 5 millions d’euros pour recruter 80 postes à la rentrée prochaine », AEF Info, dépêche n°668136, 21 février 2022. ↩︎
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« Geneviève Fioraso : les 1 000 emplois créés en 2013 seront ciblés sur la réussite en 1er cycle», AEF Info, dépêche n°206661, 18 septembre 2012. ↩︎
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Il ne suffit pas d’élever le plafond d’emploi des universités si on ne leur donne pas les moyens de financer le recrutement permis par cette élévation. ↩︎
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Philippe Adnot. « Rapport d’information fait au nom de la commission des finances sur la prise en compte de la performance dans le financement des universités», n° 130, 19 novembre 2019. ↩︎
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Voire par la réunion des deux sections mathématiques du Conseil national des universités et de l’unique section mathématiques du Comité national de la recherche scientifique : ce serait là un beau symbole d’unité des mathématiques. ↩︎
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Il n’y a pas « un » mais « des » problèmes. Au niveau du recrutement, il me semble que le problème principal est le nombre de candidates puisque depuis 2015, le taux de femmes recrutées maîtresses de conférences est légèrement supérieur au taux de candidates (la même remarque s’applique, mais en moyenne depuis 2015, pour le recrutement au CNRS) et, le moins qu’on puisse dire est que les évolutions récentes en lycée et classes préparatoires ne vont pas dans le bon sens. Il y a aussi un problème majeur au niveau des recrutements (promotions) au grade de professeur mais ce n’est pas l’objet de ce billet… À défaut d’une organisation nationale d’un plan de recrutement, le ministère pourrait accompagner une stratégie mathématique dans les contrats d’objectif, de moyens et de performance d’exigence de parité en mathématiques. ↩︎
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La suspension des activités de l’Institut de recherche en enseignement des mathématiques de Lille est un exemple de bien mauvais signal. ↩︎