Au mathématicien d'Auvergne, café mathématique

Des docteurs qui méritent d'être embauchés !

· 828 mots · 4 minutes de lecture estimée
Catégories : Politique
Tags : emploi doctorat compétences

Introduction 🔗

Une note du Ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche1 met en avant la chute du nombre d’inscriptions en doctorat. À la rentrée 2022, le nombre d’étudiants s’étant inscrits en thèse s’élevait à 15 719. Cela représente une baise de 4% par rapport aux 16 394 inscrits à la rentrée 2021. En mathématiques, le nombres d’inscriptions est passé de 713 à 641, soit une baisse de 10%.

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Cette baisse n’est pas facile à interpréter, elle met fin à une hausse continue depuis 20192 (et est aussi marquée que ne l’avait été la hausse de 2019 à 2020. Disons qu’elle est un point de vigilance avant de devenir une inquiétude compte-tenu des besoins à venir en mathématiques.

2018 2019 2020 2021 2022
Mathématiques 624 644 706 713 641
Évolution annuelle 3% 10% 1% -10%
Toutes disciplines 16039 16374 16069 16398 15719
Évolution annuelle 2% -2% 2% -4%

La question des débouchés est centrale. Bien sûr, on pense aux postes académiques, en diminution nette depuis plusieurs années.

Mais, le monde académique ne peut pas être le seul débouché après un doctorat. On doit même envisager des passages (dans les deux sens, voire des allers-retours) entre monde académique et entreprises ou administrations. Cela est possible et je connais des personnes (de et vers tous domaines mathématiques) qui ont fait ces trajets.

La communauté mathématique forme des docteurs au meilleur niveau. Il y a bien sûr un travail à poursuivre pour que les docteurs formés osent l’entreprise, les mathématiciens s’y emploient par exemple à travers l’Agence Maths-Entreprises (une unité du Centre national de la recherche scientifique et de l’Université Grenoble Alpes) ou grâce à des actions telles que les Assises des mathématiques d’où ont émergées un certain nombre de propositions. À l’étranger, on peut citer l’Institut Erdös crée par Roman Holowinsky visant à aider les doctorants à obtenir des « emplois qu’ils aiment à chaque étape de leur carrière ».

Pourquoi recruter un docteur en mathématiques ? 🔗

Un docteur apprend à résoudre, en un temps limité, d’abord un problème qui lui a été posé par quelqu’un d’autre en utilisant les outils les plus récents à sa disposition ou en inventant de nouveaux outils, en échangeant avec des personnes partout dans le monde pour connaître l’état des connaissances dont il aura besoin. Un docteur, c’est un inventeur qui, dans un contexte contraint, a dû innover pour résoudre. Il apprend aussi, dans l’avancement de la préparation de sa thèse à détecter les problèmes intéressants.

Précision, compréhension, honnêteté intellectuelle, capacité à conceptualiser et à collaborer, courage et persévérance3 sont des qualités des mathématiciens mises en avant par une personne ayant connu à la fois le très haut niveau en recherche mathématiques (au Centre national de la recherche scientifique) et en entreprise (Paramount), Philippe Barbe, dans le deuxième d’une série de cinq articles déposés sur Linkedin répondant à la question « Devriez-vous embaucher un mathématicien professionnel ? »

Concluons avec un extrait d’un discours de Benoit Bazin, Directeur général de la Compagnie de Saint-Gobain

Les mathématiciennes et mathématiciens, et plus généralement les scientifiques, sont aussi pour moi une source d’inspiration et un modèle à suivre dans notre époque. Les plus grandes d’entre elles et les plus grands d’entre eux me semblent en effet être à la fois créatifs et sobres. Créatifs lorsque, par l’invention d’un nouveau langage ou l’ajout de nouvelles hypothèses, ils parviennent à résoudre des problèmes nouveaux dont le champ d’application ultérieur peut se révéler très vaste. Sobres car les raisonnements mathématiques sont sans ornement. Leur élégance est d’aller droit au but, sans digression inutile. Eh bien, je crois que c’est précisément de cela que nous avons besoin aujourd’hui : de la créativité et de l’audace pour sortir des sentiers battus et inventer de nouveaux modèles, des trajectoires ambitieuses comme celle que nous prenons chez Saint-Gobain vers la neutralité carbone mais aussi de la méthode et de la rigueur pour avancer par étapes comme dans une démonstration.


  1. « Baisse du nombre de premières inscriptions en doctorat en 2022 en particulier dans les domaines scientifiques », Note flash du SIES, n° 11, juin 2023↩︎

  2. Les données sont tirées des documents suivants : « Les docteurs diplômés en 2021 : vers un retour à la situation antérieure à la crise sanitaire », Note flash du SIES, n° 16, juin 2022 ; « Repères et références statistiques 2020. Enseignements. Formation. Recherche », chapitre 6, juillet 2020 ; « Repères et références statistiques sur les enseignements, la formation et la recherche 2019 », chapitre 6, août 2019↩︎

  3. On peut aussi citer l’introduction par le sociologue Pierre-Michel Menger dans l’ouvrage Le monde des mathématiques dont il a dirigé la rédaction avec Pierre Verschueren (Seuil, 2023) : « [L’ethos mathématicien] doit agir notamment pour tolérer l’erreur, le tâtonnement, l’incertitude sur les chances de réussir et la peur d’échouer, et pour se doter de courage », toutes notions qui me semblent nécessaires à l’innovation et au développement de processus d’auto-contrôle permanent. ↩︎

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